J'ai eu la chance d'assister à une conférence de Dre Anna Lembke, psychiatre et Directrice du département de médecine en addiction à Stanford University, lors du premier sommet international sur la dépendance et le bien-être en Floride l'an dernier. Dans son livre Dopamine Nation, (Nation dopamine - traduction libre de son livre qui n'existe malheureusement pas en français) elle explique pourquoi la recherche incessante du plaisir peut également mener à la douleur.
Notre époque offre un accès sans précédent à des stimuli hautement riches en dopamine : drogues, nourriture, actualités, jeux d'argent, achats, pornographie, Facebook, Instagram, YouTube, etc… Leur variété et leur disponibilité est stupéfiante. Le téléphone intelligent est devenu LE fournisseur de dopamine numérique disponible 24h/24 et 7j/7. La majorité des humains en ayant un en leur possession, nous pouvons donc supposer que nous sommes presque toustes devenus vulnérables à une surconsommation compulsive de dopamine soit par l'usage de substances psychoactives, soit par certains de nos comportements.
Substances psychoactives et dopamine
Les substances psychoactives libèrent la dopamine qui active différentes zones du cerveau reliées entre elles (circuit de la récompense). Cette libération de dopamine procure un afflux de plaisir et en contrepartie de ce plaisir, la substance va demander au cerveau de continuer de consommer. Chez la personne dépendante, ce système est déréglé. L’absence de substance ou de stimulation crée un manque. Des stimuli associés de manière répétée à la consommation de drogue (conditionnement), comme un lieu ou un moment de la journée toujours identique, peuvent à terme activer la libération de dopamine avant même la prise de la drogue. Que nous dit la science des addictions ? | MILDECA (drogues.gouv.fr)
Activités addictives et dopamine
Dans Dopamine Nation, Anna Lembke aborde l'impact de la technologie moderne sur notre cerveau et notre bien-être. Elle examine comment la recherche de la gratification instantanée et de la stimulation constante liée à l'utilisation des médias sociaux et d'internet peut entraîner une dépendance comportementale similaire à celle des substances psychoactives. Dre. Lembke explique par ailleurs les mécanismes neurobiologiques derrière cette dépendance à la dopamine et comment elle peut conduire à des cycles de désir et de gratification qui peuvent être préjudiciables à notre santé mentale et physique. Elle met en lumière les effets néfastes de cette dépendance, notamment l'anxiété, la dépression, la solitude et l'incapacité à maintenir des relations significatives.
Faire une liste de nos activités et/ou substances addictives
Le livre propose également des conseils et des stratégies pour réduire la dépendance aux stimuli numériques et retrouver un équilibre dans notre vie, en mettant l'accent sur la nécessité de trouver des activités alternatives qui stimulent la production de dopamine de manière saine. Lors de sa conférence, Dre. Lembke suggérait de faire une liste de nos activités et/ou substances addictives en indiquant la quantité et le temps leur étant consacré:
alcool
nicotine
Netflix
magasinage (en ligne et au magasin)
pornographie
cannabis
caféine
travail (workaholism)
réseaux sociaux
chocolat...
On regarde ensuite ce qui impacte le plus notre vie et on élimine la substance ou le comportement pendant 4 semaines (attention de ne pas faire de transfert durant cette période). Elle appelle cet exercice le dopamine fast (un jeûne de dopamine) pour permettre à la balance intérieure plaisir/souffrance de retrouver son équilibre, de briser le cercle vicieux: déficit de dopamine/débalancement - craving - passage à l'action (dans une tentative de retrouver l'équilibre).
N'oublions pas le phénomène de la tolérance dans ce processus, c'est-à-dire que plus nous sommes exposés de manière répétitive au stimuli, plus on a besoin de la substance ou du comportement pour avoir le même effet. La tolérance est d'ailleurs un facteur important dans le développement de dépendances. Une exposition prolongée aux comportements ou aux substances amène éventuellement notre balance plaisir/souffrance à pencher davantage du côté de la souffrance perpétuant ainsi le cycle destructeur de l'addiction.
Modération ou abstinence?
Après les 4 semaines, on regarde nos prochaines étapes. Souhaitons-nous faire les choses différemment? Si nous voulons continuer à boire, ce sera quand, combien? Et si c'est pour des occasions spéciales, comment nous assurer que chaque jour ne sera pas une occasion spéciale? Comme Dre Anna Lembke le rappelle et comme je l'ai souvent observé dans ma pratique, les gens s'aperçoivent souvent que la modération demande trop d'efforts et finissent éventuellement par choisir l'abstinence. Elle rappelle par ailleurs que l'abstinence est la première étape du rétablissement car il permet de réinitialiser le circuit de la récompense en retrouvant la capacité d'éprouver de la joie dans les petits bonheurs de la vie.
Si vous lisez l'anglais, je vous recommande fortement la lecture de ce livre que j'ai dévoré en 3 jours. Et si vous décidez de faire le jeûne de 4 semaines, n'hésitez pas à me faire part de vos commentaires!
PS: toujours se rappeler de valider avec son médecin si notre consommation d'alcool ou de drogues nécessite un sevrage avant de faire ce jeûne.
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