Je ne m'étais jamais attardée au terme anonymat utilisé par les groupes de support comme CA, OA, NA ou AA avant de faire ma thérapie. Or j'ai rapidement compris son importance quand j'ai décidé d'arrêter de consommer il y a 15 ans.
Je ne compte pas le nombre de fois où on m'a regardé avec dégoût quand je refusais un verre au début de ma démarche. Le tout agrémenté de cette phrase sur ton de mépris: ben là, franchement... t'es quand même pas une alcoolique...
Ben oui toi. Encore aujourd'hui des gens de toutes les couches de la société réagissent comme ça. Et quand t'es fragile, surtout au début de ton cheminement, ça fait de la peine. Beaucoup de peine. Et c'est pas juste ça. Pendant que toi t'es fière d'avoir fait ces choix parce que c'est mieux pour ta santé, on te juge.
C'est une des raisons pour lesquelles des groupes anonymes existent. Pour avoir un endroit sécuritaire où on ne se sent pas jugé. Où on peut échanger et célébrer le chemin parcouru avec des gens adorables comme tout, où on se sent compris et accepté.
J'entends et lis plusieurs articles contre les fraternités anonymes dernièrement. Ça m'hérisse les poils chaque fois. Ce mouvement international gratuit et reconnu a sauvé et continue de sauver la vie de milliers de personnes à travers le monde incluant les proches de ceux qui souffrent. La majorité des maisons de thérapie en Amérique utilise encore le modèle des 12 étapes pour aider les gens à se sortir de l'enfer de la dépendance. Comme toute approche, elle comporte des ratés et ne convient pas à toutes et tous. Il existe différentes manières de se rétablir et ce mouvement précurseur mérite d'être respecté au même titre que les écoles de pensée plus modernes.
Je me forme depuis plus de 10 ans dans le domaine. Je viens par ailleurs de terminer ma formation intensive d'un an avec le Dr. Gabor Maté. Je connais toutes les approches et accompagne mes clients en fonction de leurs besoins et non en fonction de ma façon de voir les choses. Quand mes clients viennent en thérapie, le contenu que j'ai développé aborde les différentes philosophies en matière de rétablissement pour qu'ils puissent faire leur choix dans ce qui leur parle le plus.
Je ne fréquente plus les fraternités anonymes depuis des années mais je les chéris du plus profond de mon coeur. Quand j'ai arrêté de consommer en 2007, il existait une bière sans alcool, quelques livres sur la sobriété et peu de place pour sortir de l'anonymat.
Il y a quelques années, j'écoutais Tommy Rosen, le fondateur du groupe en ligne Recovery 2.0 qui répondait à une question d'un homme écoeuré d'être anonyme. Il rêvait de pouvoir parler librement de sa situation avec la même liberté que Tommy. Mais peu importe où on se trouve dans le monde, les problématiques de dépendance sont souvent jugées avec mépris et laideur. Il y a même des gens qui pensent encore que c'est une question de volonté ou de contrôle...
J'ai commencé un groupe sortir de l'anonymat en 2019 pour commencer à briser le tabou. Plusieurs de mes ami.es sobres hésitaient encore à s'afficher. Personnellement ça m'a pris 12 ans avant de le faire publiquement. Pour toutes sortes de raison, l'anonymat a encore sa pertinence au même titre que le non-anonymat.
Cheers aux deux mouvements pour lesquels j'éprouve une admiration infinie.
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